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venir effacé ; mais Bella s’en préoccupait encore, et voulant répéter devant Hester, avec les gestes et les inflexions de voix qu’elle se rappelait, la scène de la Petite fille et du Mendiant, elle saisit à l’improviste la montre que celle-ci portait à sa ceinture et que sa forme appelait à jouer le rôle de la brioche. Hester voulut la reprendre, et dans ce conflit la montre tomba par terre. Il n’y avait plus qu’à la porter chez Darley pour la faire raccommoder.

Ce Darley était le frère du marin tué jadis dans le combat où Kinraid s’était distingué contre la press-gang, et le frère, par conséquent, de la pauvre fille infirme à qui Hester avait naguère prodigué ses soins. Volontiers redouté pour son excentricité caustique, il n’en était pas moins l’horloger favori des marins du port, qui lui confiaient de préférence, vu son habileté consommée, la réparation de leurs montres et de leurs chronomètres. Il faisait avec eux une sorte de commerce d’échange, et acceptait sans peine, en place d’argent, quelques-unes de ces curiosités qu’ils rapportaient de leurs voyages. La reconnaissance qu’il professait pour la jeune méthodiste mettait celle-ci à l’abri de ses sarcasmes, et il ne travaillait pour personne avec autant de zèle, pour personne à prix aussi réduit.

Pendant que, ses lunettes sur le nez, il démontait la montre malade, Hester s’amusait à examiner les mille et un brimborions qui de son atelier faisaient une espèce de musée. Elle tressaillit tout à coup, et poussa un petit cri de surprise. L’horloger leva les yeux, et lui vit entre les mains une montre qu’elle venait de prendre sur l’établi.

« Qu’as-tu donc ? lui dit Darley ; n’aurais-tu jamais vu un bijou de cette espèce !… Ou bien serait-ce la forme bizarre de ces lettres gravées sur le couvercle qui te surprend à ce point ? »