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seils : — « En somme, reprit-elle, vous ne savez rien de lui qui soit de nature à vous rassurer… Un vagabond n’est jamais qu’un vagabond, et dans un isolement comme le vôtre, il faut se montrer prudente… Il me semble qu’aussitôt un peu remis, je le prierais d’aller chercher gîte ailleurs… Ne dites-vous pas qu’il a de l’argent ?

— Nullement ; je n’ai rien dit de semblable, car je n’en sais rien… Il me paye d’avance, à la vérité… Il me rembourse exactement toutes les emplettes que je fais pour lui… Mais cela ne monte jamais bien haut, car il ne dépense guère en nourriture.

— J’attendrais certainement qu’il fût rétabli, réitéra Sylvia, mais, à votre place, je me débarrasserais d’un pareil hôte… Il en serait tout autrement si votre frère était à Monkshaven. » Là-dessus elle se leva pour partir.

La veuve Dawson, au moment des adieux, retenant la main que Sylvia lui avait tendue, plaidait humblement la cause de son protégé.

« Ne vous fâchez pas, madame, ne vous fâchez pas contre moi, si je ne me trouve pas le courage de le repousser d’ici avant qu’il n’en sorte de lui-même… Christophe m’en voudra certainement si je vous contrarie en quelque chose ; mais ce pauvre abandonné m’inspire une pitié profonde, et quoi qu’il puisse arriver, je ne le renverrai certainement pas.

— Vous vous trompez, répondit Sylvia, si vous pensez que ceci me contrarie… Après tout, ce n’est pas mon affaire… Seulement, je vous le répète, si j’étais de vous, je renverrais cet inconnu… Il ne manque pas de maisons tenues par des hommes, qui sont faits aux mœurs des vagabonds, et savent les tenir en respect. »

Cela dit, Sylvia s’éloigna, marchant tête haute en plein soleil. Dans les froides ténèbres de la « basse-