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avait pris en gré cette enfant, et venait presque chaque jour, au sortir de la banque, réclamer sa petite amie pour l’emmener le long des quais et ne la reconduire chez elle qu’après l’avoir gardée à dîner. Si par hasard cette seconde course lui était incommode, Sylvia, passé une certaine heure, se le tenait pour dit et allait chercher sa fille.

Ce fut précisément ce qui lui arriva, une quinzaine environ après la visite d’adieu qu’elle avait reçue de Kester, et l’occasion lui sembla favorable pour aller, ainsi qu’elle l’avait promis, voir la veuve Dawson, dont le cottage était à l’autre bord de la rivière, au bas des rochers, juste à l’endroit où ses eaux se précipitent dans la mer. Partie d’assez bonne heure, elle débuta par cette visite. La veuve était sur sa porte ouverte, son tricot en main, ne jetant pas même un regard sur les aiguilles rapides, mais l’œil fixé sur la lutte constante des flots qui se jouaient devant elle. Est-il bien certain qu’elle les vît, — et n’était-elle pas plutôt absorbée par les spectacles chimériques d’un passé à jamais disparu ?

Elle accueillit Sylvia Robson, bien qu’elle l’eût connue tout enfant, avec une extrême déférence ; la familiarité de son frère avec mistress Hepburn, élevée maintenant au rang de riche bourgeoise, l’ayant toujours un peu scandalisée.

Après les remercîments vinrent les confidences. La veuve aurait voulu pouvoir écrire à son frère certains détails relatifs à son ménage, « et qui, disait-elle, lui mettraient le cœur à l’aise. » Malheureusement Kester ne savait pas lire, ce qui rendait assez difficile ce genre de communication alors moins usité qu’il ne l’est maintenant.

J’aurais voulu lui apprendre que j’avais trouvé un locataire, continua la brave femme… Il est là, dit-elle