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si bon, l’humeur si complaisante, qu’un vaurien n’aurait pas la moindre peine à se jouer d’elle.

— Puis-je lui venir en aide ? demanda Sylvia toujours prompte à obliger… J’ai toujours quelque argent de reste, et je ne demande pas mieux…

— Doucement, ma fille, doucement, interrompit Kester, n’allons pas si vite en besogne !… Ce bon mouvement de ta part est précisément ce que je craignais, en te parlant de tous nos détails d’intérieur… Je laisse à ma sœur une petite somme, et je trouverai bien moyen de lui faire passer encore quelques écus. Ce n’est donc pas d’argent qu’elle a besoin, mais d’une bonne parole par-ci, par-là, pour soutenir son courage… Si tu voulais l’aller voir de temps en temps, pour l’égayer un peu en lui parlant de moi, je t’en serais véritablement reconnaissant et je partirais le cœur plus à l’aise.

— Soyez donc sûr que je le ferai, Kester… Et d’autant mieux que, quand vous n’êtes pas là, je me sens toute isolée. »

Sur la foi de cette promesse, Kester partit gaiement pour le nord, certain que Sylvia viendrait fréquemment visiter la pauvre veuve. Mais les accoutumances de la jeune femme avaient bien changé, depuis le temps où elle passait la moitié de sa vie en plein air dans les entours de la ferme paternelle, émiettant du pain pour la volaille, régalant de quelques fruits perdus le vieux cheval de charrette, ou grimpant sur le point le plus élevé du domaine pour sonner la trompe qui rappelait son père et Kester au repas du soir. En ville, on ne sort pas sans mille cérémonies préliminaires, et sa situation spéciale, — situation de femme abandonnée, — lui faisait craindre les regards dont elle était suivie, toutes les fois qu’elle mettait le pied dans la rue. Aussi ne s’y hasardait-elle jamais que pour promener Bella, et Jeremy Foster la dispensait souvent de cette corvée. Il