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XIV

L’INCONNU.

Peu de jours avant celui où Philip arrivait ainsi à Monkshaven, maître Kester, fidèle à son ancienne amitié pour Sylvia, était venu prendre congé d’elle, devant s’absenter pour un terme beaucoup plus long que celui de ses excursions ordinaires. Bien qu’on fût encore au samedi, le brave homme avait déjà sa barbe faite et ses habits du dimanche, car il mettait un scrupule de délicatesse à ne pas affecter trop de familiarité vis-à-vis de cette riche bourgeoise qu’il avait connue toute petite, et avec laquelle il avait vécu, dans la ferme de Haytersbank, sur un si grand pied d’intimité.

Elle lui parlait rarement de Kinraid ; mais il en fut question, ce jour-là. Elle lui annonça l’avancement rapide, le brillant mariage du jeune marin. Elle lui fit part également, pour répondre à ses questions étonnées, de l’étrange aventure par suite de laquelle Charley Kinraid devait la vie à Philip Hepburn. Et la surprise de Kester allait grandissant toujours.

« J’aurais plutôt cru, dit-il naïvement, que le trouvant ainsi dans la mêlée, il l’aurait achevé d’un mauvais coup.

— C’est ce qui vous trompe, s’écria Sylvia levant soudainement les yeux sur lui… Philip est absolument incapable d’une action pareille… À la place de Kinraid, je ne crois pas qu’il se fût sitôt remarié.

— Ainsi donc, depuis le départ de Philip, vous n’avez jamais entendu parler de lui ? demanda Kester, après un moment de silence.