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quelques mots au soldat blessé ; d’autant plus volontiers que les vestiges de son uniforme usé venaient de lui faire reconnaître à quel corps ce pauvre diable avait appartenu.

« Vous avez l’air bien fatigué, mon garçon, lui dit-il bonnement, et une tranche de viande froide ne ferait pas mal pour aider ce morceau de pain à descendre… Je vois que vous étiez dans l’infanterie de marine… Où donc avez-vous servi ?

— J’étais au siége d’Acre, monsieur, pendant le mois de mai dernier.

— En vérité ?… Devant Saint-Jean d’Acre ?… Vous avez dû connaître mon fils Harry… je veux dire le lieutenant Pennington ?

— Nous servions dans le même corps, répondit Philip ranimé par le souvenir de sa vie militaire… Et c’est lui qui m’a donné ce manteau, quand il m’a vu repartir pour l’Angleterre… J’avais été son planton pendant quelque temps… C’est un digne jeune homme et un brave officier.

— Que vous la veuillez ou non, vous aurez votre tranche de roastbeef, dit le recteur carillonnant à sa porte… Je reconnais maintenant ce manteau, qui n’aura pas fait long service à mon jeune bandit… Entrez avec moi, mon brave !… Venez raconter à mistress Pennington tout ce que vous savez d’Harry et de sa conduite pendant le siége. »

Nous laissons à penser si Philip, une fois introduit chez la mère de son lieutenant, fut accablé par elle et par ses deux filles de questions et de marques d’intérêt. Dans le cours du long interrogatoire qu’il eut à subir, une des jeunes misses se pencha furtivement à l’oreille de son père qui répondit par un geste d’assentiment à ce qu’elle venait de lui dire. Et lorsque Philip s’apprêtait à prendre congé :