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tombant à propos sur son âme frissonnante. Malgré tout, et bien qu’il avançât à très-petites journées, son voyage vers le nord lui coûtait d’énormes fatigues, et il soupirait après le jour où il n’aurait plus en perspective, pour le lendemain, son étape quotidienne.

Ce fut dans ces dispositions qu’il arriva près d’une grande ville au centre de laquelle se dressait, comme une gardienne assidue, son imposante cathédrale gothique. Mais de l’endroit où il était, pour arriver à cette cité, il fallait encore franchir deux ou trois miles, et c’était beaucoup pour les forces qui lui restaient. Un cultivateur, que son teint pâle et sa marche languissante avaient ému de pitié, lui indiqua un petit chemin de traverse à l’extrémité duquel il trouverait l’hôpital du Saint-Sépulcre, où le pain et la bière se distribuaient gratis à tout venant, et où il pourrait aussi, une fois désaltéré, se reposer tout à son aise à l’ombre de la grande porte, sur le banc de pierre placé là pour les voyageurs.

Telle est, en effet, cette pieuse fondation d’un chevalier du moyen âge qui, au retour des guerres de France, inspiré par ses remords ou par son confesseur, construisit et dota un hôpital destiné à douze soldats invalides, plus une chapelle où ils doivent assister aux messes dites jusqu’à la fin du monde pour sir Simon Bray et ses successeurs à perpétuité. Un bâtiment particulier sert à loger le prêtre chargé de veiller sur le bien-être des bedesmen[1], et qui était tenu jadis de réciter les offices quotidiens ; toutefois, avec le progrès des ans, le but primitif de la fondation a été méconnu peu à peu. Les antiquaires seuls s’en souviennent. L’hôpital militaire est devenu un hospice accessible à tous, et la charge du

  1. Ce mot, composé du vieux vocable bed (en saxon beade), prière, et du mot man que tout le monde connaît, désigne les assistés tenus de prier pour ceux dont ils reçoivent les bienfaits. (N. du T.)