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différent à l’existence et au monde pour avoir une volonté quelconque. Il eût facilement obtenu, sans cela, de rester où il était.

Transféré, selon les circonstances, de navire en navire, de garnison en garnison, Philip, à la longue, gagna Portsmouth, au commencement d’une soirée de septembre 1799. Le transport sur lequel il arrivait, encombré de blessés et d’invalides, fut à peine en vue des blanches dunes d’Albion que tout le monde s’empressa d’accourir sur le pont : « Old England for ever ! » criait celui-ci, brandissant son bonnet de police, et tout disposé à fondre en larmes : « Rule Britannia » chantaient ceux-là, musiciens difficiles à faire marcher ensemble. La plupart, cependant, restaient assis dans une immobilité que leur faiblesse expliquait, contemplant ces rivages dont ils s’étaient crus à jamais séparés. Philip était de ceux-ci. Un peu à l’écart de ses camarades, roulé dans un grand manteau militaire dont l’avait gratifié un de ses officiers, il se défendait de son mieux contre l’impression que produisait sur lui, après un séjour dans les climats chauds, cette brise de septembre glaciale pour un malade.

En vue de Portsmouth, les cordages du navire se pavoisèrent de couleurs bariolées, au-dessus desquelles notre cher Union Jack[1] planait triomphalement. Le port envoya ses signaux ; les préparatifs de débarquement se firent avec une hâte extrême, à bord et à terre. On voyait accourir sur le rivage des hommes en uniforme qui passaient de droit aux premiers rangs de la foule empressée. C’étaient les infirmiers militaires, pourvus de leurs litières d’ambulance et de tous les objets qui pouvaient servir à transporter commodément les glorieux mutilés de la dernière campagne.

  1. Le drapeau national du Royaume-Uni. (N. du T.).