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— Sans doute, je viens de vous le dire… À Saint-Jean d’Acre, au pied des remparts, pendant une affreuse boucherie, reprit mistress Kinraid avec une sorte de pétulance… Je vous montrerais bien la lettre de mon mari, mais d’abord je l’ai oubliée chez mistress Dawson… Et ensuite le capitaine m’écrit de telles… absurdités que je n’ose les communiquer à personne. »

Là-dessus, la jeune étourdie entra dans tous les détails que nos lecteurs connaissent déjà, — dans tous ceux, du moins, que son mari avait pu lui donner.

Sylvia marchait de surprise en surprise :

« Je ne puis croire que ce soit lui, répétait-elle à chaque instant.

— Et pourquoi, s’il vous plaît ? demanda mistress Kinraid… Puisque vous ne savez pas où il peut être, pourquoi ne serait-il pas là où mon mari dit l’avoir vu ?

— Mais il n’était pas marin… Pas même soldat.

— Eh bien, il l’est devenu, voilà tout… Le capitaine le désigne, si je ne me trompe, comme appartenant à l’infanterie de marine… Il ne serait donc, à ce compte, ni tout à fait matelot, ni tout à fait soldat… Cela rentre un peu dans ce que vous dites… »

Alice Rose, survenue en ce moment, fut mise au courant des nouvelles qu’apportait mistress Kinraid. Elle les accueillit avec une incrédulité dédaigneuse.

« Allons donc, disait-elle, Philip Hepburn devenu soldat ! lui qui jadis était quaker !… Philip Hepburn entré à Jérusalem, qui est une ville céleste, une ville type, tandis que moi, qui compte parmi les élues, je suis contrainte de rester à Monkshaven, comme le commun des martyrs.

— Mais, reprit mistress Kinraid avec beaucoup de ménagements, car elle se sentait sur un terrain difficile, — je n’ai pas dit que ce monsieur fût allé à Jérusalem… Mon mari, seulement, l’a rencontré dans