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— Que voulez-vous dire ? demanda Sylvia sortant tout à coup de son indifférence affectée… Le capitaine, serait-ce ?… (elle hésita ici, car le nom familier de Charley, qui s’était offert à elle, ne devait pas franchir ses lèvres devant cette jeune et jolie femme)… Serait-ce votre mari ?

— Certainement… Mais vous l’avez connu, n’est-ce pas ?… Vous l’avez vu chez son oncle, M. Corney ?

— En effet… Pourtant je ne comprends guère… Seriez-vous assez bonne, madame, pour vous expliquer un peu plus complétement, dit Sylvia d’une voix faible.

— Pardon, je croyais que votre mari vous avait tout raconté… Voyons, où faut-il prendre les choses ?… Vous n’ignorez pas, sans doute, que M. Kinraid est dans la marine ?… Savez-vous aussi qu’on vient de lui confier le commandement d’un vaisseau, et qu’il a gagné son grade à la pointe de l’épée… Ah ! madame, comme je suis fière de lui ! »

Le cœur de Sylvia battait bien fort. Elle eût été fière, elle aussi, d’un mari pareil : « Jamais je n’ai douté qu’il ne devînt un grand homme, pensait-elle avec un secret orgueil.

— Il était au siège d’Acre, » reprit légèrement mistress Kinraid….

Sylvia ouvrit de grands yeux à ce nom qui lui était tout à fait inconnu.

« Saint-Jean d’Acre, vous savez ?… près de Jaffa où saint Paul prêchait jadis ?… près du mont Carmel, célèbre par le séjour du prophète Élisée ?… Saint-Jean d’Acre, en Palestine ?…

— Je ne vous comprends pas très-bien, dit Sylvia d’un ton plaintif… Je crois parfaitement tout ce que vous me dites de saint Paul ; mais il était question de nos maris, ce me semble… Se seraient-ils donc rencontrés ?