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L’instant d’après, dans la chambre où dormait Bella, Hester, presque agenouillée aux pieds de Sylvia, s’excusait en paroles inarticulées de cette affection qu’elle avait crue longtemps un secret entre elle et Dieu. Sylvia, de son côté, la couvrait de caresses, et par toutes sortes de consolations, de paroles tendres, s’efforçait d’adoucir l’impression pénible de ces aveux, le désespoir humilié où ils semblaient jeter une âme si pure et si contenue. Elle s’étonnait en même temps des bizarreries de l’existence, de ces amours si étrangement contrariées et traversées, s’abîmant pour ainsi dire dans l’étude de cette énigme qu’on appelle la Vie. Hester, se relevant tout à coup et lui saisissant les deux mains, lui dit avec un regard solennel :

« Vous devinez, Sylvia, quel a dû être mon trouble intérieur et la honte que j’avais de moi-même. Je suis sûre que vous y compatissez. Maintenant, par cette pitié que je vous inspire, par le souvenir de ces longs rapports qui nous ont unies, par l’affection que votre défunte mère me portait, écartez, je vous prie, ces dures pensées qui ferment d’avance votre cœur au repentir de Philip… Il se peut qu’il vous ait fait du mal, et certainement vous en êtes convaincue… Moi, je ne l’ai jamais connu qu’affectueux et bon ; mais s’il revenait un jour de ces régions lointaines où son désespoir l’a conduit (et chaque nuit mes prières demandent à Dieu son retour), éloignez le souvenir du passé !… Pardonnez-lui tout, et soyez pour lui, Sylvia, ce que vous pouvez être, si vous le voulez, la bonne et tendre femme qu’il a cru trouver en vous !

— Pour ceci, jamais… Vous ne savez pas, Hester, ce que vous me demandez… Me fût-il possible de pardonner à Philip, je ne l’oserais vraiment pas, après le serment juré qui nous sépare… Ce serment, je dois le tenir, quoi qu’il m’en coûte.