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mistress Brunton, lequel produisit un soulagement général.

À peine avait-elle disparu dans sa carriole, la vieille Méthodiste prononça contre elle un solennel anathème qui — au fond, et malgré sa dureté apparente — n’était qu’une apologie indirecte à l’adresse de Sylvia. Celle-ci l’écouta silencieusement, et après un instant de réflexion, saisissant l’occasion qui s’offrait à elle :

« J’ai voulu bien des fois, dit-elle tout à coup, vous faire savoir, à vous et à Hester (surtout à cause des bontés que vous avez pour Bella), que nous ne devons plus vivre ensemble, Philip et moi, dût-il reparaître ici dès aujourd’hui même… »

Peut-être aurait-elle continué, mais Hester l’interrompit ici par un léger cri d’épouvante.

« Silence, Hester ! dit Alice ; tout ceci ne te regarde pas… Quant à toi, Sylvia Hepburn, tu parles comme une enfant ignorante.

— Non. Je parle comme une femme ; comme une femme dont la confiance a été trompée et qui n’a pu se défendre d’une odieuse trahison… Au surplus, je n’en dirai pas davantage… C’est à moi qu’on a fait tort, c’est à moi de prendre patience… J’ai voulu seulement vous faire connaître ma pensée et vous laisser pressentir les motifs de mon silence. »

Ceci dit, Sylvia resta sourde à toutes les questions, à toutes les remontrances d’Alice. Elle déroba son visage aux tristes regards d’Hester ; mais au moment de se séparer, lorsqu’elles se trouvèrent toutes deux seules sur le palier supérieur du petit escalier, elle se retourna, passa ses bras au cou de la jeune Méthodiste, et posant doucement sa tête sur son épaule :

« Ah ! ma pauvre Hester, lui dit-elle tout bas, si vous l’aviez épousé, que de chagrins cela nous eût épargnés, à nous tous, tant que nous sommes !… »