Page:Gaskell - Les Amoureux de Sylvia.djvu/335

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de vanité ; son mariage avec Philip pouvait la mettre dans la bonne voie du salut. Le Seigneur a compris autrement son œuvre, et maintenant il ne lui reste qu’à revêtir patiemment le sac de la pénitence et à recouvrir sa tête de cendres. Je n’ai donc rien de plus à dire d’elle… Mais, quant à l’absent que tu blâmes avec tant de légèreté, sache bien que tu n’es pas à même de le juger… Et après tout, si l’attrait d’une beauté passagère lui a fait méconnaitre une personne plus digne de lui, une personne dont le cœur lui appartenait, il expie cruellement cette erreur, banni comme il l’est du foyer domestique, séparé de sa femme, privé de son enfant. »

Sylvia, qui depuis quelques instants s’était abstenue de prendre part à la conversation, mais qui ne la suivait pas moins d’une oreille attentive tout en feignant de jouer et de causer avec la petite Bella, se retournant soudain, toute pâle et les yeux enflammés, à la surprise d’un chacun :

« Vous parlez, s’écria-t-elle, de choses que vous ne connaissez pas… Personne n’est juge entre Philip et moi… Il a été cruel, injuste à mon égard… Je lui ai dit ce que j’en pensais, et ne compte nullement me plaindre à d’autres… De plus, ajouta-t-elle sur le point de pleurer, il n’est pas séant, il n’est pas convenable de tenir un pareil langage devant moi. »

Les paroles, l’attitude de Sylvia surprirent singulièrement les personnes à qui elle s’adressait ainsi. Elle venait de manifester un des côtés de son caractère que l’on connaissait le moins, et de se révéler à ses trois interlocutrices sous un jour tout à fait nouveau. Alice ne lui en voulut pas, tout au contraire, de cette brusque saillie : Molly marmotta dans ses dents quelques paroles moqueuses, bientôt refoulées par une sorte de crainte, et les choses en demeurèrent là jusqu’au départ de