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voyez… Il a dû la quitter récemment pour rejoindre son vaisseau, le Tigre, dans la Méditerranée… Et le vieux Turner attend d’un jour à l’autre la visite de sa nièce… Il nous invitera, sans aucun doute, à cette occasion, et Brunton m’a promis pour la circonstance une belle robe de satin cramoisi.

— Je leur souhaite toute espèce de bonheur, dit Sylvia, et je le leur souhaite en toute sincérité.

— Dans le mariage, dame, c’est une chance, reprit Molly toujours bien avisée… Vois plutôt ce qui t’arrive… Aurait-on jamais pu croire qu’un garçon sage et posé comme Philip te glisserait ainsi dans les mains ?… Mais voyons, Sylvia,… je n’ai rien pu comprendre à ce que Bessy raconte là-dessus… Explique-moi donc… »

Hester entra fort heureusement dans la chambre, au moment où mistress Brunton abordait ainsi ce sujet délicat, et Sylvia n’eut désormais que deux préoccupations, l’une de faire demeurer la jeune Méthodiste, qui par sa présence gênait certaines questions indiscrètes, l’autre de voir partir le plus tôt possible une visiteuse mal venue. Mais mistress Brunton s’étant promis que son cheval se reposerait à la porte pendant un temps donné, prolongeait sans remords de vains bavardages, et si Alice Rose n’était survenue, elle serait peut-être restée fort longtemps. Une antipathie instinctive devait exister entre ces deux femmes, et, vu leurs habitudes de franc parler, elle se manifesta effectivement bientôt. Sylvia essaya vainement de les pacifier ; les propos de Molly devinrent de plus en plus aigres, les censures d’Alice de plus en plus directes et de plus en plus âpres. Sur une allusion désobligeante que la première avait faite à l’abandon de Sylvia et à la triste existence qu’elle menait maintenant, l’indignation d’Alice éclata.

« Lorsque Sylvia Hepburn s’appelait Sylvia Robson, s’écria-t-elle avec impatience, elle était légère et pleine