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à miss Clarinda Jackson… Et miss Jackson, ajouta-t-elle, a été dotée de dix mille livres sterling, ce qui fait, comme dit Brunton, qu’on est fier d’avoir un pareil cousin.

— Voulez-vous permettre ? » demanda Sylvia timidement. Alors, sur ce chiffon de papier, elle exerça le talent de lecture qu’elle devait à la vieille Alice Rose, et qu’elle avait acquis dans les saints Livres.

Ces mots qui passaient sous ses yeux n’avaient rien de merveilleux, rien de positivement inattendu ; elle en fut cependant étourdie pendant une ou deux minutes. Jamais elle n’avait songé qu’elle dût le revoir ; — jamais, très-certainement. — Mais devait-elle penser qu’il s’attacherait à une autre femme et l’aimerait autant, peut-être mieux, qu’il ne l’avait aimée ?…

L’idée lui vint, irrésistiblement, que Philip ne se serait pas conduit ainsi. Bien des années se fussent écoulées sans doute avant qu’il pût se décider à laisser occuper par une autre le trône où il l’avait assise. Pour la première fois de sa vie, elle sembla comprendre et apprécier cette affection si profonde et si dévouée.

Mais ce fut en elle que tout ceci se passa, et un simple remercîment, sans plus, sortit de ses lèvres au moment où elle rendait à Molly Brunton le bout de papier que celle-ci lui avait confié. Puis elle écouta silencieusement les commérages de son amie. « C’est dans l’ouest, à Plymouth ou de ces côtés, qu’il l’a rencontrée… Elle avait perdu son père, un riche raffineur, à ce qu’on m’a dit… Mais d’après ce que Kinraid a écrit à son oncle, — le vieux Turner, celui qui l’a élevé, — elle a reçu la meilleure éducation ; elle joue du clavecin et connaît la danse du Châle… Elle voulait lui donner toute sa fortune, mais il a insisté au contraire pour que la dot restât exclusivement la propriété de sa femme… Un véritable assaut de beaux sentiments, comme vous