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l’autre. Sylvia n’était plus pour mistress Brunton qu’une ménagère insignifiante. Le bavardage bruyant de Molly déplaisait à Sylvia, que ses habitudes quotidiennes avec Hester avaient façonnée à un parler plus lent et plus doux, à des pensées plus calmes et plus austères. Néanmoins, ainsi qu’il arrive souvent, les formes extérieures de l’amitié survivaient à ce sentiment lui-même, éteint pour jamais. Molly et Sylvia s’assirent à côté l’une de l’autre, comme autrefois, la main dans la main, et la première avec son indiscrétion habituelle ébauchait déjà un compliment de condoléance sur la mort de Daniel Robson, lorsque Sylvia lui coupa la parole :

« Pour Dieu, lui dit-elle tremblante de tout son corps, ne parlons pas de ceci !

— Soit, ma pauvre enfant, ce doit être fort pénible pour toi… Ce devait être aussi fort pénible pour cet odieux mari, qui t’a laissée là si indignement… Sais-tu, que bien des gens, à sa place, auraient reculé ?… Charley Kinraid lui-même… Celui-là, pourtant, je n’en sais rien, car tu lui plaisais beaucoup… Et bien plus que notre Bessy, quoi qu’elle en dise… À propos, vous avez sans doute ouï parler du beau mariage qu’il a fait ?

— Non, répondit Sylvia, saisie tout à coup d’une curiosité mêlée d’angoisse.

— Comment donc ? mais c’était dans tous les journaux… J’ai moi-même coupé l’annonce dans le Gentleman’s Magazine, que mon mari avait acheté tout exprès… Et, tenez, je dois l’avoir sur moi. »

Elle tirait effectivement de son petit portefeuille rouge un lambeau de journal tout froissé, puis se mit à lire tout haut :

« Le trois janvier, à Sainte Mary Redcliffe, Bristol, Charles Kinraid, esq., lieutenant de la marine royale,