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l’escadre, vaisseau par vaisseau, questionnant tous les soldats de marine qu’il trouvait sur son passage, mais sans qu’un seul pût lui donner des nouvelles de Philip Hepburn. Kinraid entra là-dessus dans une colère épouvantable, que son état de fièvre rendait fort périlleux et que le chirurgien se hâta de calmer en lui promettant de faire lui-même les recherches désirées. Malgré tous les soins qu’il se donna, cette seconde enquête n’eut pas d’autre résultat que la première ; le chirurgien comme le matelot, le matelot comme le chirurgien en vinrent à se persuader que le personnage dont parlait Kinraid n’était que la création chimérique de ses sens surexcités par la fièvre. Vainement, pour les dissuader, entrait-il dans les détails les plus précis ; ni l’un ni l’autre ne voulait admettre qu’un soldat de marine, bien réel et bien vivant, pût dissimuler son existence dans un corps de troupes régulières. Après avoir insisté sans succès pour les convaincre, le malade les envoya promener.

« Je vous répète, leur disait-il avec un énorme juron, je vous répète que j’avais ma tête à moi… L’homme dont je parle s’appelle Philip Hepburn. Les paroles qu’il m’a dites, personne autre que lui ne pouvait les prononcer… Maintenant, il est vrai d’ajouter que nous avions l’un pour l’autre la haine la plus cordiale ; et je ne devine pas ce qui aurait pu le déterminer à se mettre en péril pour me sauver la vie… Cela est ainsi, néanmoins ; mais puisque vous ne pouvez me le trouver, faites-moi grâce de vos balivernes… Mon imagination, cher docteur, n’est pas aussi créatrice que vous le pensez… Quant à toi, Jack, sois bien sûr qu’il ne s’agit pas d’un esprit, mais d’une créature en chair et en os… À présent n’en parlons plus, et laissez-moi tranquille ! »

Pendant que cette conversation avait lieu, Stephen Freeman — on n’a sans doute pas oublié ce pseudo-