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D’abord envoyé sur le ravelin du nord, l’équipage du Tigre, ayant pour chef le lieutenant Kinraid, reçut ordre peu après d’aller protéger le débarquement des renforts commandés par Hassan-Bey, lesquels descendaient sur le Môle, où sir Sidney Smith s’était rendu en personne. Cette mission remplie avec plus de bonne volonté que d’égards pour les troupes turques, les matelots et soldats de Kinraid, avec sir Sidney Smith à leur tête, revinrent se placer derrière la batterie anglaise, sur cette brèche fatale si souvent assaillie, si vaillamment défendue, mais qu’on ne s’était jamais disputée comme dans cette brûlante après-midi.

Djezzar-Pacha, lorsqu’il apprit où ils étaient, quitta précipitamment les jardins de son palais, et, malgré les amples vêtements qui gênaient sa marche, vint sur la brèche même d’où il essayait de retirer un à un ses courageux alliés : « En s’exposant ainsi, disait le pacha, ils l’exposaient lui-même à tout perdre. »

Ses efforts eussent été inutiles, car nos matelots avaient pris goût à l’affaire, et se faisant du combat un jeu véritable, n’auraient pas souffert qu’un vieux bonhomme — pacha ou non — se permît de les déranger ; mais les Français venaient d’ouvrir une nouvelle brèche sur un autre point des remparts, et dirigeaient maintenant de ce côté leur principale attaque. Il fallut donc s’y porter au plus vite, et les deux ravelins, où Kinraid et ses hommes furent postés pour diriger un feu terrible sur les flancs de l’ennemi, touchaient presque à sa première ligne d’attaque.

« Faites de votre mieux, Kinraid, dit sir Sidney à son lieutenant, lorsqu’il eut achevé de lui donner ses instructions ; du haut de cette colline, là-bas, Boney[1] a les yeux sur vous !… »

  1. Boney, abréviation familière du nom de Buonaparte.