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droite, un couvent aux blanches murailles, à gauche, les remparts d’une ville forte, poussés jusque dans la mer et formant une sorte de havre, où les navires sont à l’abri des coups de vent qui désolent les côtes orientales de l’immense lac. Le ciel est pourpre, la lumière impitoyable. Une odeur d’épices flotte dans l’air, émanée des milliers de fleurs aromatiques qu’une saison précoce a fait éclore. Au midi de la ville une escadre anglaise est à l’ancre. Elle assiste au siège de Saint-Jean-d’Acre, et tâche d’en arrêter les progrès par les bordées qu’elle envoie sur les flancs de l’armée française.

Ce jour-là, le 7 mai, d’autres vaisseaux furent signalés au loin. Ils amenaient des secours à la ville assiégée. Leur arrivée devait être le signal d’une tentative suprême, car le siége en était alors à sa cinquante-cinquième journée, et le grand capitaine qui en avait la direction n’attendrait certainement pas, pour donner l’assaut, que la garnison eût reçu de nouveaux renforts. Sir Sidney Smith ne pouvant se tromper sur les intentions de Buonaparte, venait de donner ses ordres en conséquence. À l’exception des hommes indispensables pour entretenir le feu des vaisseaux, il avait fait débarquer tous les matelots et tous les soldats de marine pour qu’ils allassent prêter secours aux forces anglo-turques, chargés de défendre la vieille cité historique.

Un de ses officiers — le lieutenant Kinraid, le même qui, trois ans auparavant, associé à l’entreprise héroïque de son chef, avait d’abord partagé sa captivité, puis s’était ensuite évadé avec lui et Westley-Wright des cachots du Temple — eut l’honneur, ce jour-là, d’être envoyé par son amiral au poste le plus périlleux. Lui et ses hommes arrivèrent dans les jardins de Djezzar-Pacha au moment où sir Sidney Smith et le colonel d’infanterie de marine concertaient ensemble le dernier plan de défense. Il était alors trois heures de l’après-midi.