Page:Gaskell - Les Amoureux de Sylvia.djvu/322

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

questions, séparées par un intervalle de quelques mois, sa réponse avait été négative. Eût-elle osé prononcer ce nom devant quelqu’autre, à qui Sylvia aurait-elle pu s’adresser ? Les Corney avaient quitté Moss-Brow depuis la Saint-Martin, pour aller s’établir à bien des milles, du côté de Horncastle ; Bessy restait, à la vérité, mariée dans le voisinage ; mais elle et Sylvia n’avaient jamais été fort intimes, et leur amitié, nous l’avons vu, s’était encore refroidie trois ans auparavant, à l’époque du prétendu trépas de Kinraid.

Ce fut vers ce temps-là — c’est-à-dire en 1798, et la veille de Noël — qu’un secret, jusqu’alors ignoré de Sylvia, lui fut inopinément révélé par Alice Rose. Elles étaient seules depuis quelques moments déjà, et la mère d’Hester contemplait sa jeune compagne plus languissante et plus abattue que jamais.

« Pauvre enfant, lui dit-elle tout à coup, la religion seule te sera une consolation. Bien d’autres y ont eu recours avant toi.

— Comment faire ? dit Sylvia qui venait de tressaillir en se voyant l’objet d’une observation si assidue.

— Comment ? répéta la vieille Méthodiste avec surprise ; lis ta Bible, et tu le sauras.

— Mais je ne sais pas lire, objecta Sylvia, qui, dans ce moment de désespoir, ne songeait plus à dissimuler son ignorance.

— Quoi, pas même lire ?… Toi, la femme d’un savant comme Philip ?… Ce monde-ci va décidément tout de travers !… Penser qu’on a pu préférer à Hester, instruite comme tous les ministres ne le sont pas, une petite fille qui n’est pas en état de lire la Bible !… »

Sylvia put à peine retenir la question que ces paroles lui suggéraient. Sans s’apercevoir de son étonnement, Alice Rose reprit la parole.

« Pendant que Philip s’occupait de toi, disait-elle,