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Ici la mère intervint. Il ne lui convenait pas qu’on cajolât trop ouvertement son mari ; mais celui-ci avait déjà le cœur gagné.

« Laissez, disait-il, laissez cette bonne fillette faire à sa guise… À moins que Philip que voici, — le grand champion des lois et de la presse des matelots, — ne trouve quelque ordonnance qui nous défende de complaire à notre unique enfant… Car nous n’en avons pas d’autre, bonne mère, et tu n’y penses pas assez. »

Bell y pensait souvent, plus souvent peut-être que son mari, car elle se rappelait chaque jour — et chaque jour plusieurs fois, — ce petit être qui était né, qui était mort pendant une des longues absences de son père. Mais répondre n’était pas dans ses habitudes.

Sylvia lisait dans le cœur de sa mère plus facilement que l’honnête Daniel ; aussi s’empressa-t-elle de rompre la conversation :

« Philip ? reprit la folle enfant, il n’a fait que nous prêcher la loi tout le long de la route… Je ne disais rien, quant à moi, et j’ai laissé Molly se défendre comme elle pouvait ; si j’avais voulu, cependant, j’aurais eu de bons contes à faire, sur les soies et les dentelles de France dont certaines gens ont un assortiment si complet. »

Le visage de Philip s’empourpra. Non, certes, à cause de cette allusion à la contrebande dont il était un des agents les plus actifs ; mais il était piqué de voir sa petite cousine découvrir si vite combien ses pratiques étaient peu d’accord avec ses maximes ; et plus piqué encore de constater le plaisir qu’elle prenait à mettre en lumière cette flagrante inconséquence. Il s’inquiétait aussi quelque peu du parti que son oncle allait pouvoir tirer contre lui, dans leur discussion, de cette illégalité habituelle, si peu d’accord avec l’ensemble de ses idées conservatrices. Mais Daniel avait bu trop de grog pour