Page:Gaskell - Les Amoureux de Sylvia.djvu/318

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

après un long silence… Il a été bien cruel envers moi.

— C’est vrai, dit le vieux quaker ; jamais je ne l’aurais cru capable d’une pareille bassesse. »

Sylvia demeura stupéfaite de cet acquiescement, qui était de la part de Foster un simple acte de loyauté. Par un de ces inexplicables retours qui appartiennent à l’essence même du cœur humain, elle ne put entendre porter contre Philip un jugement si sévère, sans éprouver le besoin de le défendre ou du moins de pallier ses torts :

« Il aimait tant ma mère !… Elle l’aimait tant… Il avait tant fait pour elle… Sans cela je ne l’aurais pas épousé.

— Dès l’âge de quinze ans, reprit le quaker, il a toujours montré bonne tête et bon cœur… Ni moi, ni mon frère n’avons eu un mensonge à lui reprocher.

— Ce fut pourtant bien un mensonge que de me laisser croire à la mort de Charley, reprit Sylvia, aussitôt rendue par cet éloge à ses premiers ressentiments.

— Tu dis vrai, c’était un mensonge égoïste… Il t’imposait une souffrance pour en arriver à ses fins… Aussi, comme Caïn, le voilà chassé du Paradis domestique.

— Ce n’est pas moi, monsieur, qui lui ai dit de s’en aller.

— Ce sont tes paroles, Sylvia, qui l’ont décidé à partir.

— Je ne puis les reprendre, monsieur… Il me semble que je les dirais encore. »

Cette fois, cependant, on eût dit qu’elle espérait, qu’elle provoquait un démenti.

« Pauvre petite ! » se contenta de répéter Jeremy, donnant à sa voix l’expression d’une pitié profonde.