Page:Gaskell - Les Amoureux de Sylvia.djvu/316

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

J’en prendrais d’ailleurs mon parti, si je pouvais savoir ce qui lui est arrivé… Malgré ma rancune, je ne lui souhaite aucun malheur…

— Il y a là-dessous quelque chose que je ne comprends pas très-bien, reprit Jeremy… Ne pourrais-tu me l’expliquer ?

— Il le faut bien, répondit la jeune femme, puisque je suis venue vous demander conseil… Sans cela, voyez-vous, ajouta-t-elle naïvement, personne au monde n’en aurait rien su… Et avant que je parle, j’ai à vous demander le secret le plus rigoureux… Vous me le promettez, n’est-il pas vrai ? »

Jeremy Foster, profondément touché par l’expression de son visage, ne sut pas résister à cette ardente prière et, contrairement aux règles de la prudence, il prit l’engagement qu’elle demandait. Alors, — avec force réticences que les questions précises du vieux quaker rendaient parfaitement inutiles, force hésitations que ses encouragements dissipaient, — Sylvia lui raconta tout ce qui s’était passé : Jeremy Foster l’écoutait avec attention, et quand elle eut fini, retint à grand peine un gémissement plaintif. Mais, se reprenant aussitôt et donnant à sa voix l’accent de l’espérance :

« Rassure-toi, Sylvia Hepburn, lui dit-il ; quand il aura fait ses réflexions, ton mari ne saurait manquer de revenir.

— Hélas, lui dit-elle avec un élan de franchise étrange, c’est là ma plus grande crainte… Je voudrais le savoir heureux, mais ailleurs… Quant à vivre ensemble, c’est impossible.

— Ne parle pas ainsi, s’écria Jeremy d’un ton suppliant ; tu te repens bien certainement de tes imprudentes paroles…

— Pas le moins du monde, dit-elle lentement ; et n’était le souvenir de ma mère (elle est morte, elle est