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par les deux frères, de même sur les soins qui lui furent prodigués quand ils la virent arriver chez eux épuisée par sa longue course, intimidée par l’importance de l’entrevue qu’elle allait avoir, et se demandant jusqu’où devait aller sa confiance vis-à-vis d’étrangers qu’elle connaissait à peine.

Lorsque Jeremy, devinant son embarras, lui proposa de passer au salon pour l’entretenir seul à seul, Sylvia songea un moment à prier la femme de charge de garder l’enfant avec elle. Mais la petite Bella était capricieuse, et refusa obstinément de quitter sa mère. Jeremy et Sylvia l’emmenèrent donc avec eux, et cette triviale circonstance devait exercer sur l’avenir de cette enfant une influence difficile à prévoir.

Voyant à quel point elle était embarrassée pour aborder le sujet de sa visite, Jeremy, pour lui laisser le soin de se remettre, s’occupait de la petite fille, qu’il essayait d’amuser en faisant scintiller devant ses yeux les breloques de sa montre.

« Cette enfant vous gêne peut-être, dit enfin Sylvia, se décidant à prendre la parole.

— Pas le moins du monde, répliqua Jeremy… Elle vous ressemble étonnamment… Bien plus qu’à son père. » Et c’était à dessein qu’il lui parlait de Philip, frayant ainsi la voie aux communications qu’elle devait avoir à lui faire.

Elle lui demanda aussitôt, effectivement, s’il avait reçu quelques nouvelles de son mari. Et sur sa réponse négative : — « Il faut donc, murmura-t-elle, qu’il soit mort ou parti pour jamais… Mon enfant n’a plus que moi au monde… »

Jeremy ne voyait pas les choses du même œil ; il pensait, ou affectait de penser, que Philip leur serait rendu avant peu.

« Non, répondit Sylvia, il ne reviendra jamais…