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voyait, seulement, chaque fois que la porte s’ouvrait, tourner les yeux de ce côté avec une sorte d’inquiétude. Elle attendait probablement celui qu’on cherchait de toutes parts sans le trouver.

Le docteur Morgan se chargea, dans la soirée, de la communication embarrassante que l’absence d’Hepburn rendait inévitable. Affectant la plus complète sécurité, il parla de cette absence inopportune comme d’un incident sans importance dont on aurait l’explication dès le lendemain. Il épiait, cependant, l’effet de ses paroles. Sylvia poussa un soupir, et ce fut tout. Mais au moment où il allait se retirer, elle lui demanda, levant un peu la tête :

« Combien de temps croyez-vous, docteur, qu’elle soit demeurée sans connaissance ?… Avant de tomber dans cette espèce de sommeil bizarre, supposez-vous qu’elle pût entendre ce qui se disait autour de son lit.

— Ceci, répliqua-t-il, dépend de bien des circonstances… Vous rappelez-vous ?…

— Je ne me rappelle rien, cher docteur… Il est arrivé tant de choses… et je souffre tellement de la tête… Seriez-vous assez bon pour me laisser seule ? »

Il sortit effectivement, mais ce fut pour lui envoyer Hester, qui trouva la porte close et le verrou poussé.

« C’est étonnant, dit le médecin, elle ne semble pas le moins du monde inquiète de son mari. »

À ces mots, Hester et Phœbé détournèrent les yeux, évitant de se regarder. Toutes deux, à l’aide de leurs souvenirs, s’expliquaient la conduite de Sylvia. Elles se séparèrent, quand le docteur fut parti, sans oser se faire part de leurs tristes conjectures.

Le lendemain, il y eut foule dans le magasin. Chacun y venait faire provision de commérages pour défrayer la curiosité des bourgeois de Monkshaven, et la pauvre Hester eut mainte fois envie de se jeter aux ge-