Page:Gaskell - Les Amoureux de Sylvia.djvu/305

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ce fut dans le silence le plus docile, sans articuler une syllabe de repentir ou de regret, que Philip se laissa conduire, à deux ou trois milles de l’auberge, devant le juge de paix Cholmeley, de Holm-Fell-Hall, où il fut définitivement enrôlé au service de Sa Majesté sous le pseudonyme de Stephen Freeman.

Avec un nouveau nom il commençait une nouvelle vie. Mais celle qu’on a vécu subsiste à jamais !

VI

CE QU’ON NE DIT PAS.

Deux heures après la disparition de Philip, Hester se trouvait seule dans le magasin. C’était le moment du diner, et tout Monkshaven était à table. La tête appuyée dans ses mains, elle songeait tristement à ce qui s’était passé, la veille au soir, entre Philip et Sylvia. Fallait-il donc croire qu’ils n’étaient pas heureux l’un par l’autre, et, cela étant, quelle surprise, quelle énigme… Qu’il lui eût semblé facile de consacrer sa vie entière à Philip, de lui soumettre en tout sa volonté, de ne songer qu’à son bien-être ! Bien souvent, ainsi jugées du dehors, les dissidences conjugales semblent inexplicables : elles le sont parfois pour ceux-là même qui s’y trouvent directement mêlés. Faut-il s’étonner du trouble et de la gêne d’esprit où Hester demeurait plongée, en face de ce démenti donné à toutes ses prévisions, à tous ses calculs ?

Le docteur Morgan, le médecin de la famille, vint l’arracher à ces préoccupations mélancoliques.

« Vous êtes donc seule, Hester ?… Coulson, Hepburn où sont-ils ?… Hepburn, surtout, j’ai besoin de lui… Sa