Page:Gaskell - Les Amoureux de Sylvia.djvu/302

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« C’est là, dit le vieillard, tu ne peux maintenant t’y tromper… Et encore, je n’en sais rien… Tu as l’air si embarrassé de ta personne… »

Aussi continua-t-il de le guider, pour le remettre sain et sauf aux mains de l’hôte.

« Voici, disait-il, un gaillard que j’ai trouvé là-bas marchant en zig zag comme s’il était ivre… Je crois cependant qu’il n’a pas bu, mais sa tête me semble un peu dérangée.

— Non, dit Philip se laissant aller sur le premier banc venu… J’ai ma tête à moi, mais les forces me manquent… Je me suis perdu… » Il n’en dit pas davantage, et tomba évanoui.

Il se trouvait là, par grand hasard, un sergent des soldats de marine qui, comme Philip, avait perdu sa route. Il en profitait pour rester à boire avec deux ou trois manants qu’il émerveillait de ses étonnants récits, et que retenait d’ailleurs auprès de lui l’espérance de quelque « tournée » gratuite.

Au moment où il vit tomber Philip, le sergent s’était déjà levé pour lui apporter son cruchon de bière dans lequel, selon la coutume du Yorkshire, il avait ajouté un petit verre de gin. Il en fit couler une partie sur le visage de Philip ; quelques gouttes se frayèrent un chemin entre les lèvres pâles de ce malheureux et le ranimèrent presque aussitôt.

« Apportez de quoi manger, notre hôte ! s’écria le sergent… Au besoin, c’est moi qui paye. »

Un grossier pain d’orge, un morceau de lard froid furent bientôt sur la table. Le sergent demanda du poivre et du sel, hacha menu ces aliments épicés avec soin, et les administra au malade par cuillerées, pressant d’ailleurs Philip d’avaler de temps en temps quelques gorgées de la liqueur placée devant lui.

Une soif brûlante, qui aurait fort bien pu se passer