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ces. Quant à ses raisonnements politiques, ils pouvaient se résumer ainsi : Le gouvernement n’avait recours à la presse que pour combattre les Français sur mer avec des équipages égaux en nombre à ceux de l’ennemi. Par là même il témoignait une méfiance injuste à la valeur nationale, et il ne faisait pas, loyalement, la part de l’ennemi. Étant admis qu’un matelot anglais en vaut quatre du continent, n’y avait-il pas une injustice évidente à vouloir combattre ceux-ci sur un pied d’égalité numérique ?… « Autant vaudrait, pour un homme robuste, s’attaquer à une femme comme Sylvie ou au petit Billy Crofton qui n’a pas encore de culottes… Fumez-vous, Philip ? »

Philip ne fumait pas, mais il argumentait volontiers, et défendit de son mieux le gouvernement : — Avant de faire des avantages aux Français, il fallait être sûr de les battre ; et puisqu’on avait besoin d’hommes pour compléter les équipages, il fallait se les procurer de manière ou d’autre. Les bourgeois payaient leurs taxes, les soldats de milice payaient de leur personne ; les matelots ne payant pas de taxes et ne voulant pas payer de leur personne, il fallait bien les y contraindre. En somme, et malgré la press-gang, on devait se féliciter, de vivre sous le roi George et sous le régime de la Constitution britannique… Sur quoi Daniel retira sa pipe de sa bouche, et protesta qu’il n’avait articulé la moindre parole ni contre le roi George, ni contre la Constitution. Et le débat allait s’échauffant, grâce à la très-impolitique obstination de Philip, tandis que Sylvia et sa mère, légèrement ennuyées, reprenaient le cours de leurs occupations domestiques, après une conversation à voix basse, dont le manteau neuf avait fait les frais.

Une femme qui joue de la harpe, — c’est du moins l’avis général, — croit rehausser par cet exercice les avantages