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cun symptôme d’aversion, il effaça chez Philip les derniers vestiges d’une espérance quelconque.

Il la suivit de l’œil tandis qu’elle gravissait l’escalier à grand’peine et, lorsqu’elle eut disparu, il se laissa retomber sur un siége, cédant à une indicible prostration de toutes ses forces.

Après un temps plus ou moins long, la porte s’ouvrit, et Coulson entra, surpris de ne pas revoir Hepburn dans les magasins.

« Qu’as-tu donc, Philip ?… On te croirait malade… Il est neuf heures et demie, et je ne reconnais pas là ta ponctualité ordinaire. »

Philip rappelant à lui toutes ses pensées, — mais dirigé surtout par un instinct secret qui le mettait en garde contre tout ce qui pouvait nécessiter une explication, — se leva, balbutia quelques vagues excuses, et suivit son associé dont les yeux le guettaient à la dérobée.

Hester, elle aussi, remarqua l’espèce d’affaissement que révélait la physionomie de ce malheureux, et se sentit prise pour lui d’une immense pitié. Mais après ce premier regard qui lui donnait tant à pressentir, elle évita soigneusement de manifester une attention gênante. Sur son calme et doux visage une ombre seulement planait, et çà et là sa poitrine se gonflait de quelques soupirs.

C’était le jour du marché ; une foule bavarde affluait dans les magasins, et le sauvetage de la veille était le sujet de presque toutes les conversations. Un nom fut bientôt prononcé qui fit tressaillir Philip, et lui imposa l’attention la plus scrupuleuse. Ce nom revenait à chaque instant sur les lèvres d’une maîtresse d’hôtel dont la maison était principalement fréquentée par les marins. Elle racontait comment Kinraid, à bord du bâtiment caboteur, avait été reconnu par un des gens de l’équipage, nonobstant ce bel uniforme, qui d’ailleurs lui allait si bien ; — et qu’il n’aurait jamais porté, ajoutait la