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porter ce message ?… C’était ma mort, savez-vous ?… Comprenez donc que je vous aime plus que jamais femme ne fut aimée !… Au nom de cet amour, pardonnez-moi ! »

Il la regardait, à ces mots, dans une attente fiévreuse, et quand il vit qu’elle n’avait pas même écouté son ardente adjuration, cette attente fit place au désespoir. Il cessa de l’attirer à lui, et son bras inerte retomba le long de son corps.

« Maintenant je puis mourir, disait-il ; rien ne me rattache à la vie.

— Sylvia, reprit alors Kinraid emporté par son impétueuse ardeur, votre mariage est nul… Votre consentement n’a été obtenu que par une ruse infâme… Vous êtes ma femme et non la sienne… Nous étions engagés l’un à l’autre par une solennelle promesse… Et, voyez, voyez plutôt ! »

Il tirait de son sein, disant ceci, la moitié d’une pièce d’argent fixée à son cou par un ruban noir.

« Dans ces prisons de France où on m’a fouillé vingt fois, je suis parvenu à sauver ceci… Notre serment mutuel n’a pu être détruit par un mensonge… Les moyens ne me manquent pas pour faire rompre ce prétendu mariage… Mon amiral me protège… Son amitié, son appui ne me feront pas faute… Venez avec moi !… ce mariage sera rompu et nous en contracterons un autre, à la face du ciel et de la terre… Sortons !… Laissons à ce misérable le remords de son indigne fraude et de sa déloyauté envers un honnête marin… Vouons à l’oubli le passé… Marchons en toute confiance vers un avenir qui ne nous trompera pas… Allons, Sylvia, suivez-moi ! »

De son bras entourant la taille de la jeune femme et le visage animé par tous les feux de l’espérance, il l’entraînait déjà vers la porte… L’enfant, justement alors, poussa un léger cri.