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ment souhaité, souhaité mille fois d’aller te rejoindre !… Cet homme qui est là pourrait te le dire… Tu le savais, Philip… Dis-lui que je ne mens pas !

— Plût à Dieu que je fusse mort, » gémissait le malheureux, bourrelé par sa conscience. Mais déjà elle s’était retournée du côté de Kinraid, et ni l’un ni l’autre ne prenaient plus garde à lui, absorbés tous deux, l’une dans ses paroles enflammées, l’autre dans l’attention qu’il leur portait.

« Sais-tu, reprit Sylvia, qu’ils ont emprisonné mon père ? ils l’ont jugé, ils l’ont supplicié pour être venu en aide à de pauvres malheureux, victimes comme toi de la press-gang… Oui, Charley… ce bon, ce tendre père a péri sur la potence… Ma mère, sous ce coup terrible, a presque perdu la raison… Nous étions sans ressources, ruinées, on nous chassait… Et toi, Charley, je te croyais mort. »

Insensiblement rapprochés l’un de l’autre, ils étaient à ce moment enlacés dans une mutuelle étreinte et, la tête appuyée sur l’épaule du jeune marin, Sylvia laissait librement déborder ses larmes.

Philip s’avança comme pour l’entraîner ; mais Charley la retint plus étroitement que jamais, jetant à Philip un défi silencieux. Sylvia, sans le savoir, protégeait alors son mari contre une atteinte que la fureur de Kinraid risquait de rendre mortelle.

« Écoutez-moi, Sylvia, disait ce malheureux cherchant toujours à la dégager, il ne vous a jamais aimée comme moi… Avant vous il avait séduit, il avait trompé d’autres jeunes filles… Vous seule avez eu mon cœur, et que vous m’aimiez ou non, ce cœur restera vôtre jusqu’à la mort… Que vous dirai-je encore ?… Je le savais infidèle à d’autres… Devais-je penser que tu l’aurais à jamais fixé ?… C’est ce qui m’a retenu… Je ne dis pas que j’aie eu raison… Mais comment vous