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Philip ne savait que répondre, à quel expédient recourir, sous quelles paroles chercher abri.

Jusque-là l’influence de Sylvia s’était trouvée assez puissante pour réduire Kinraid au silence ; mais bientôt il lui devint impossible de se contenir.

« Parlez ! s’écria-t-il, se dégageant aisément de la faible étreinte qui l’arrêtait et s’avançant vers Philip dans une attitude menaçante… Ne vous ai-je pas chargé de lui dire ce qui en était… de lui porter l’assurance de ma fidélité… de réclamer en mon nom l’exécution de sa promesse ?… Comment, vil misérable, vous lui avez caché tout ceci ?… vous lui avez laissé croire que j’étais mort, ou que je me jouais de sa parole ?… Tenez ! »

Et sa main était déjà levée pour châtier cet homme dont la tête pliait sous un double fardeau de honte et de remords ; mais Sylvia se jeta rapidement au-devant du coup.

« Charley, disait-elle, tu ne saurais le frapper !… C’est un vil misérable, en effet, (ceci dit sur le ton à la fois le plus dur et le plus calme), mais, après tout, c’est mon mari.

— Cœur déloyal, s’écria Kinraid se tournant soudain vers elle… Entre toutes les femmes, Sylvia Robson, c’est de vous que je me serais le moins défié. »

En même temps, il accompagna ces mots d’un geste de mépris qui semblait la repousser loin de lui. Ranimée soudain par cette espèce d’insulte :

« Épargne-moi, Charley ! s’écria-t-elle, bondissant jusqu’à lui… Ne fais pas comme lui, aie pitié de moi !… Si tu pouvais savoir comme je t’aimais… quel deuil j’ai gardé de toi… comme j’ai conservé pieusement les reliques de ton amour… Ne t’éloigne pas, écoute-moi, puis étends-moi morte à tes pieds, et je te bénirai… Quand je te croyais mort, n’ai-je pas ardem-