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couvrait en lui parlant ainsi. Quand il eut fini, elle resta muette un moment ; puis, d’une voix perçante, irritée :

« Philip ! » s’écria-t-elle. Personne ne vint.

Alors, d’une voix plus pénétrante encore et plus furieuse :

« Philip ! » s’écria-t-elle de nouveau.

Du fond de l’entrepôt, — où il hâtait la besogne du matin pour ne pas retarder le déjeuner de sa femme aussitôt qu’elle serait rentrée, — Philip entendit ce dernier cri qui traversa la maison, les portes fermées, l’air immobile, et vint le chercher derrière son rempart de ballots. Il pensa que Sylvia s’était blessée, que l’état de Bell Robson empirait, que leur enfant était malade, et il se hâta d’accourir vers l’endroit d’où la voix était partie.

En ouvrant la porte qui séparait le magasin du salon, il vit, lui tournant le dos, un officier de marine et sa femme, à lui, prosternée, presque étendue sur le parquet ; dès qu’elle l’aperçut elle se redressa, s’accrochant, s’étayant au bras d’un fauteuil et comme une aveugle, à tâtons, vint se placer debout devant lui.

L’officier fit volte-face d’un air farouche et sembla vouloir s’élancer vers Philip, tellement étourdi par ce spectacle inattendu que, même alors, il ne s’expliquait ni la présence ni l’identité de l’étranger.

Mais Sylvia posa sa main sur le bras de Kinraid, réclamant ainsi, par un simple geste, le droit de parler la première. Sa voix avait tellement changé que Philip n’en reconnut pas les accents.

« Mon ami, disait-elle, voici Kinraid… Il revient pour m’épouser… Il n’a pas péri, comme tu vois… Il a été simplement enlevé par la press-gang… Il affirme que tu étais présent, que tu n’as rien ignoré… En est-il ainsi ?… Parle, explique-toi ! »