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paroles, se reprochant de l’avoir ainsi alarmée, il essayait d’écarter les mains dont elle se couvrait le visage ; mais, par un effort énergique, cherchant pour ainsi dire un coin plus reculé, une obscurité plus complète, elle se dérobait à ces violences caressantes. Elle eût voulu disparaître, s’abîmer sous terre à jamais.

« Sylvia, lui dit-il enfin essayant d’une autre tactique, on croirait que mon retour ne vous cause aucune joie : me reprocheriez-vous de n’être pas venu plus tôt ?… Je ne suis ici que depuis hier au soir, et la première pensée de mon réveil a été pour vous… Depuis que je vous ai quittée, d’ailleurs, il en est toujours ainsi… »

Sylvia retira les mains qui voilaient sa face, et la laissa voir enfin, plus pâle que celle d’une morte. Ses yeux profonds, à force de désespoir, n’exprimaient plus aucun sentiment.

« Où étiez-vous ? lui demanda-t-elle très bas, d’une voix rauque et pour ainsi dire étranglée.

— Où j’étais ? dit-il, et ses yeux s’allumèrent. Un soupçon nouveau, plus sérieux que le premier, venait de poindre dans son esprit… Où j’étais ? répéta-t-il ; et faisant alors un pas vers elle, il lui prit la main, non plus avec tendresse comme naguère, mais résolûment, hardiment, en homme qui réclame des explications immédiates.

— Votre cousin… Hepburn, veux-je dire, ne vous a-t-il pas raconté ce qu’il avait vu ?… Il était là, cependant, lorsque la press-gang est tombée sur moi… Je lui donnai pour vous un message… Je vous demandais de me garder votre foi comme je vous garderais la mienne… »

Entre chaque phrase il s’arrêtait, attendant, bouche béante, qu’elle lui répondît. Aucune réponse n’arriva ; les yeux dilatés de la jeune femme demeuraient fixés, et pour ainsi dire captifs, dans le regard effaré dont il les