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« Sylvia ! disait l’étranger d’une voix que le bonheur et la passion faisaient trembler… Sylvia !… »

Elle tourna la tête ; lui-même avait changé de position, et les rayons du jour, maintenant, tombaient d’aplomb sur son visage. Ce visage était bronzé ; ses traits s’accentuaient plus fortement, mais c’était bien le même qu’elle avait vu pour la dernière fois, trois longues années auparavant, dans l’étroit défilé de Haytersbank, et qu’elle ne s’attendait plus, depuis longtemps, à revoir en ce bas monde.

Il s’était rapproché d’elle et lui tendait les bras ; comme attirée par la fascination d’autrefois, elle arriva toute chancelante sur le cœur qui l’appelait ; mais quand elle se sentit enveloppée, étreinte dans ces bras robustes, elle tressaillit et se dégagea brusquement avec un cri qui déchira l’air, portant en même temps ses mains à son front comme pour écarter une sorte de vapeur magique, un enivrement, un éblouissement qui pouvaient la perdre.

Puis elle le regarda de nouveau, et s’il avait pu lire dans ses yeux, il y eût trouvé un récit tragique.

Deux fois elle ouvrit, pour parler, ses lèvres rebelles, et deux fois les paroles qu’elle allait prononcer rentrèrent au fond de son cœur, où les rappelait le sentiment d’une misère écrasante.

Il crut l’avoir abordée trop soudainement, et ce fut avec des paroles atténuées, une sorte de murmure amoureux qu’il essaya de la ramener dans ses bras avides. Mais à peine comprit-elle ce mouvement que, par un geste rapide, elle sembla vouloir l’écarter, et, avec un gémissement inarticulé, se prenant encore une fois la tête à deux mains, elle se mit à courir aveuglément vers la ville, comme pour y chercher une protection.

Pendant une ou deux minutes, cette conduite si