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IV

UNE APPARITION.

Mistress Robson fut assez mal toute la nuit. À ses souffrances physiques se joignait un grand malaise moral. L’idée que Philip avait à se plaindre de Sylvia, pesait sur sa conscience alarmée. Sa fille s’en apercevait de reste aux reproches incohérents que Bell Robson lui adressait çà et là ; et pour en finir, pour calmer la pauvre malade, elle lui promit solennellement, la main dans la main, de ne jamais plus sortir de chez elle sans la permission de son mari. Elle sacrifiait ainsi son dernier plaisir aux scrupules de sa mère infirme, sachant bien que Philip trouverait toujours des objections à ces promenades dont il était offusqué.

Ce matin-là même, il fallut tenir la parole qu’elle venait de donner. Mistress Robson ne connaissait pas de meilleur calmant qu’une infusion de mélisse ; elle en avait demandé toute la nuit, et Sylvia s’était trouvée à court, sa provision étant épuisée. Elle savait, néanmoins, que dans certain recoin abrité du jardin de la ferme, à Haytersbank, croissaient plusieurs tiges de ce « baume, » et que la ferme elle-même se trouvait actuellement inoccupée, les nouveaux tenanciers ayant dû renoncer à leur bail par suite du décès de l’un d’eux. Aussi avait-elle combiné, durant la veillée, une course matinale vers son cher jardin d’autrefois, où elle était sûre de pouvoir cueillir la précieuse plante. Pour cela, il fallait l’assentiment de son mari, et se résoudre à le solliciter ne lui fut pas très-facile. Ainsi qu’elle l’avait deviné, il répugnait à la laisser partir,