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sistance de Coulson ; Hester était retournée chez sa mère.

Les deux bols de lait chaud qui constituaient le souper du mari et de la femme les attendaient au bord du fourneau. Sylvia, vu les circonstances, n’imagina pas d’aller prévenir son mari et se mit à prendre seule son repas du soir ; puis elle monta auprès de sa petite fille qu’elle venait d’entendre pleurer ; de là, elle passa chez sa mère, que la scène de l’après-midi avait laissée dans une assez vive agitation et qui, dans cet état presque fiévreux, ne pouvait demeurer seule. Sylvia eut donc à descendre auprès de Philip qui, triste et las, s’efforçait de souper tant bien que mal, pour l’avertir qu’elle passerait la nuit auprès de Bell Robson.

Il accepta cet arrangement en si peu de mots et avec une telle insouciance apparente, que Sylvia ne songea ni à lui expliquer l’emploi de sa soirée, ni à lui rendre un compte plus détaillé de l’état où elle avait trouvé sa mère.

Dès qu’elle fut sortie, Philip repoussa loin de lui son grand bol à moitié plein, et, se cachant le visage dans ses deux bras repliés sur la table, demeura là, couché plutôt qu’assis, pendant un temps assez long. Près de lui charbonnait, se consumant, la mèche d’une de ces chandelles de suif encore en usage à cette époque ; elle tomba bientôt, grésillant, glissant et creusant une ornière profonde ; Philip ne s’en apercevait pas, non plus que du feu qui allait mourant, — et qui bientôt mourut tout à fait.