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— Voici qu’il est tout à fait nuit !… Les maisons de la Ville-Neuve commencent à s’éclairer… Nous aurons du mal à doubler la pointe, mais ceci fait, le navire est hors de péril. »

Un grand effort se manifesta et le danger se trouva surmonté. Au milieu des cris de joie et des lumières qu’on apportait de toutes parts, le bâtiment naufragé — ou du moins ce qui en restait — arriva dans les eaux du port. Les pêcheurs sautèrent des rochers sur le quai, pour voir de plus près les hommes qui leur devaient la vie. Les femmes, lasses et surexcitées, se mirent toutes à pleurer. Toutes, à l’exception de Sylvia dont les larmes étaient épuisées. Joyeuse d’avoir vu tant de braves gens échapper à la mort, elle leur eût volontiers serré la main ; mais elle se rappela qu’il était tard et que le souper de famille réclamait sa présence. Comme elle descendait les marches de l’église, elle rencontra un des pêcheurs qui venait de remorquer le bâtiment jusque dans le port.

« Il y avait à bord, lui dit-il, dix-sept hommes y compris les mousses, plus un lieutenant de l’État qui figurait sur le rôle des passagers… C’est une bonne affaire que de les avoir tirés de là… Bonne nuit, ma brave femme !… Tu n’en dormiras que mieux pour nous avoir donné un coup de main. »

Sylvia, descendue des hauteurs, se sentait oppressée par l’air étouffé des rues. Les magasins déjà se fermaient. On voyait, aux étages supérieurs, aller et venir les lumières vagabondes. Elle ne rencontra presque personne, car on se couchait de bonne heure, à Monkshaven. Dans sa demeure, où elle rentra par un petit guichet donnant sur le quai, tout reposait déjà. Nancy était couchée ; Phœbé dormait dans un coin de la cuisine ; Philip était encore occupé, dans l’entrepôt des marchandises, à terminer son inventaire avec l’as-