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péril… À ce bout de câble est suspendu le cœur de plus d’une mère… Viens avec nous, ma fille, aide-nous, et dans tes nécessités, à ton tour, Dieu t’assistera. »

Sylvia ne se le fit pas répéter ; elle prit place dans les rangs, et, sous le frottement du câble, sentit bientôt s’échauffer la paume de ses mains nues. D’autres mains, à côté des siennes, étaient à vif et saignaient sans que personne songeât à lâcher prise. De temps en temps quelqu’un des pêcheurs mettait un mot d’ordre en circulation pour accélérer, retarder, diriger le mouvement, suivant l’occurrence ; mais ceux-là étaient bien rares à qui l’haleine ne manquait pas. Les femmes, les enfants marchaient en avant-garde, écartant les pierres, les barrières mobiles qui pouvaient faire obstacle. Ce fut de ces dernières, bavardant volontiers à tort et à travers, que Sylvia recueillit quelques détails sur le navire qu’elle travaillait à sauver. C’était un caboteur de Newcastle, arrivant de Londres, qui, pour gagner du temps, avait pris cette espèce de canal intérieur, théâtre de maint et maint naufrage ; l’orage survenant tout à coup, il ne s’était pas trouvé en état de lui tenir tête. De sorte que, sans l’intervention des pêcheurs par lesquels il avait été signalé en premier lieu, et qui étaient parvenus à conduire au rivage la longue amarre jetée du bord, il eût infailliblement donné sur les récifs en question, et se fût perdu corps et biens.

« Il faisait encore jour, dit une des femmes, et ils étaient si près de nous que je pouvais distinguer leurs visages… Des morts ne sont pas plus pâles, et l’un d’eux s’était mis à genoux pour prier… J’ai reconnu parmi eux un officier de la marine royale, aux galons d’or de son uniforme.

— Ce doit être quelqu’un du pays, venu pour voir ses parents… Il est rare, sans cela, que les officiers du roi naviguent ailleurs que sur les vaisseaux du roi.