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Au lieu d’y rentrer, elle fixa pour limites à sa promenade un petit hameau de pêcheurs dont les huttes étaient groupées au fond d’une anse où aboutissait le sentier qu’elle s’était mise à descendre. Un autre sentier, parti de là, contournait les rochers et revenait vers la ville. En arrivant au bas du premier, Sylvia rencontra sur le bord de la mer un groupe nombreux, presque une foule ; — des hommes alignés méthodiquement, qui tiraient sur une corde, une chaîne ou quelque autre objet du même genre ; — des enfants de tout âge, des femmes qui les suivaient, attirés sans doute par quelque curiosité puissante.

Ils côtoyaient les rochers, mais à certaine distance, et Sylvia, s’avançant un peu, comprit aussitôt leur manœuvre. Le gros câble auquel les hommes étaient attelés tenait par son autre bout à un petit bâtiment caboteur qu’elle entrevoyait, à peu près démantelé, presque à l’état d’épave, mais dont le pont était couvert d’hommes encore vivants, qu’elle discernait aussi, vaguement, aux clartés fuyantes du crépuscule. Le vent, les flots étaient d’accord pour éloigner du rivage ce malheureux bâtiment ; il semblait vouloir se dérober au câble sauveur pour aller se jeter sur un banc de récifs que Sylvia connaissait bien, et signalé pour avoir causé la perte de maint et maint navire moins avarié que n’était celui-ci.

La foule, cependant, composée de pêcheurs et de leurs familles, — tous étaient là sans exception, sauf les malades, — la foule était parvenue à l’endroit où se tenait Sylvia. Les hommes haletaient sous le câble, les femmes, poussant des cris aigus, jetaient des paroles d’encouragement à l’équipage en danger. Une de ces dernières interpella vivement Sylvia.

« Allons, ma fille, disait-elle, ne perds pas ton temps à nous regarder !… Il y a là plus d’un brave garçon en