Page:Gaskell - Les Amoureux de Sylvia.djvu/277

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de souterrain pour y trouver ma mère montée contre moi !… Sans cette petite, vois-tu ? je voudrais, et pour beaucoup, n’avoir jamais été mariée.

— Tais-toi donc, enfant…, dit Hester se levant avec indignation. Ce que tu dis là est un péché… Tu ne te doutes pas, à ce qu’il paraît, du sort fait à bien des gens… mais ne parlons plus de tout ceci ; porte-lui son thé, et tout sera dit. »

En articulant ces dernières paroles, Hester n’avait peut-être pas assez ménagé sa voix. Toujours est-il que Bell Robson l’avait entendue, et que, saisissant au vol l’idée de la jeune Méthodiste, elle se l’appropria incontinent.

« Tu as eu tort, ma fille, reprit-elle avec autorité : on ne fait pas jeûner son mari ; porte-lui son thé ; porte-le-lui, sans retard ! »

Sylvia se leva, et, avant d’obéir, posa sur le front de sa fille un baiser tout frémissant de passion. Ensuite elle prit la tasse, et tout bas dit à Hester, avec l’accent du défi :

« Je vais le trouver… pour obéir à ma mère et afin de la calmer un peu. »

Puis, s’adressant à Bell Robson, elle ajouta un peu plus haut :

« Je lui porte son thé, mère ; mais, quant à ma rentrée, je n’ai pu faire autrement. »

Si l’acte en lui-même était une démarche de conciliation, l’esprit dans lequel il allait s’accomplir n’avait rien de pacifique. Hester laissa Sylvia gagner les devants pour ne pas gêner, par sa présence, les épanchements mutuels d’où le raccommodement pouvait sortir. Sylvia cependant présentait la tasse à son mari, sans un seul mot d’explication ou de regret. Si elle eût parlé, même pour se plaindre, Philip en eût été soulagé. Tout valait mieux que ce silence. Il essaya de l’en faire sortir par