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docile à un ordre formel ; mais il avait honte de lui laisser entrevoir le souci chimérique dont il était dévoré. Néanmoins, sous le coup de cette inquiétude constante et cachée, il se vit assiégé de nouveau par les rêves pénibles qui le mettaient en face de Kinraid soudainement ressuscité. Nuit après nuit revenaient ces songes menaçants, chaque fois avec un caractère plus net, une réalité plus formidable. On eût dit que le Destin, habitué à surprendre les hommes, frappait et frappait encore à la porte de celui-ci.

Ses affaires n’en prospéraient pas moins. Comme d’ordinaire, les autres lui savaient gré du bien qu’il se faisait à lui-même. Sa persévérance, sa capacité, sa prévoyance lui valaient d’universels éloges. Il prenait le pas sur son associé, réduit par son initiative à n’être plus que l’humble instrument d’une intelligence supérieure, mais dont il calmait les susceptibilités vaniteuses en lui laissant l’apparence, les vains dehors d’une autorité fictive.

« Nous avons pensé, nous voulons, » disait Coulson, et au fond, c’était Philip qui avait pensé, qui voulait, qui réglait tout.

III

UN SAUVETAGE.

Toujours calme, toujours méthodique, Hester Rose, sans que personne s’en doutât, prenait sur la nouvelle famille un ascendant salutaire et qui l’étonnait elle-même ; étoile presque inaperçue tant que dura le jour, et que le premier moment de ténèbres devait faire briller dans le ciel domestique. À sa grande surprise, nous l’avons dit,