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fois sur ces pentes abruptes revêtues d’un épais gazon, elle ôtait son chapeau et, assise par terre, de ses deux mains jointes étreignant ses genoux, livrant à la brise marine ses longues boucles d’or, l’œil perdu dans les brumes lointaines de l’horizon, elle s’absorbait en quelque triste rêverie. Et si on lui en avait demandé le sujet, elle n’aurait certainement pas voulu, peut-être n’eût-elle pu répondre.

Le temps vint, cependant, où elle se vit retenue chez elle par une douce captivité, prisonnière auprès d’un bel enfant, le sien, celui de Philip. L’orgueil, le bonheur du jeune père étaient sans bornes. Un nouveau lien se formait ainsi entre eux. Il allait faire accepter à Sylvia une existence si différente de celle qu’elle avait menée jusqu’alors, si peu en harmonie avec sa nature et ses goûts. Sylvia, de même, était plus heureuse ; elle se sentait moins affaissée sous le poids d’une résolution irrévocable, moins rebelle, en secret, aux inspirations de la reconnaissance qui la lui avait imposée. L’enfant illuminait sa vie obscure et terne, comme un rayon de soleil illumine un cachot sombre.

« Philip ! » dit un soir Sylvia, que son mari croyait endormie et sur laquelle il veillait, gardien immobile et silencieux. À l’instant même il se trouva debout près de son chevet.

Il s’agissait de choisir un nom à l’enfant.

« Je voudrais, dit-il timidement, qu’elle s’appelât comme toi. »

La jeune mère répondit par un léger mouvement d’impatience.

« Non, dit-elle, le nom de Sylvia ne porte pas bonheur… Comment s’appelait votre mère.

— Margaret, répondit-il.

— Et la mienne, Isabelle… Donnons-lui ces deux noms, et prions Hester d’être la marraine.