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regret. Le soir même, Sylvia raconta cette visite à son mari. Philip se garda bien de gâter le plaisir qu’elle avait eu en lui parlant des efforts qu’il avait dû faire pour décider Kester à venir. Il ne lui raconta pas non plus quelle délicate réserve il avait mise à ne pas se trouver en tiers dans leur familier entretien. Sylvia put donc attribuer à une absence complète de sympathie le silence discret qu’il garda vis-à-vis d’elle, et c’en fut assez pour arrêter dans leur premier épanouissement, pour refouler au fond de son cœur les sentiments de tendresse qui commençaient à s’y faire jour. Les nouveaux époux allaient ainsi sur la même route, se heurtant, se froissant à leur insu, et victimes d’une perpétuelle mésintelligence.

Entre Hester et Sylvia, tout au contraire, un attrait mutuel existait, et leur liaison allait se resserrant tous les jours, à la grande surprise de la jeune Méthodiste. Peut-être en eût-il été tout autrement, si Philip eût été mieux aimé de sa femme. Chez celle-ci, la reconnaissance des soins qu’Hester donnait à sa mère et le regret d’avoir méconnu, dans le principe, le dévouement charitable, les vertus modestes de cette pieuse fille se fortifiaient l’une par l’autre. Elles se savaient gré mutuellement, Sylvia de ce qu’Hester ne lui gardait aucune rancune, Hester de ce que Sylvia la voyait sans aucune jalousie prendre une place toujours plus importante dans l’affection de Bell Robson. Mais, au fait, de quoi donc Sylvia pouvait-elle être jalouse ? Il était dans sa nature, il était dans sa destinée d’inspirer autour d’elle plus d’affection qu’elle n’en désirait et n’en réclamait pour elle même. Jeremy et John Foster, par exemple, après s’être inquiétés, au début, du mauvais renom que pouvait donner à leur maison la mésalliance de leur jeune associé, finirent eux aussi par subir l’ascendant vainqueur de la femme qu’il avait choisie. Elle dut