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tout un avenir de félicité domestique. Peut-être en aurait-elle jugé autrement si elle eût accompagné au pied de l’autel cette fiancée modeste et pâle, dont la voix altérée répondit à peine aux questions d’usage, et qui, dans sa résignation distraite, ne trouvait pour répondre aux tendres propos de son nouvel époux que quelques sourires contraints et vagues. Mais, nous le savons, Hester n’était pas là. Bien avant l’heure de la cérémonie, on l’avait vue s’acheminer vers Haytersbank où elle eut fort à faire de pacifier, de consoler la pauvre femme confiée à ses soins. Ce fut une grande épreuve pour Bell Robson que de rentrer dans la maison de Philip. Un éclair de mémoire, qui se fit jour dans le désordre de sa raison, provoqua de sa part un éclat de larmes. Vainement Hester lui reparlait sans cesse du mariage de sa fille avec Philip : la malheureuse veuve était toujours ramenée, par d’implacables souvenirs, au supplice du mari qu’elle avait perdu ; et comme Sylvia n’était pas là pour lui répondre et l’apaiser ainsi qu’elle en avait l’habitude, Bell, dans son égarement, se la représentait prisonnière, sur le point de passer devant les juges, menacée d’un trépas ignominieux… Enfin, pendant une pause des sanglots convulsifs auxquels s’abandonnait la malheureuse insensée, Hester entendit arriver la voiture qui ramenait les nouveaux époux. Elle vit Sylvia, plus blanche qu’un linge, accourir au bruit des plaintes maternelles ; elle la vit recevoir dans ses bras, étreindre contre son cœur, caresser doucement, calmer peu à peu cette mère qui était en quelque sorte redevenue enfant, et qu’elle traitait effectivement comme un enfant qui a pris peur. C’était là un spectacle touchant, et qui devait aller au cœur de la fille d’Alice Rose. Puis, lorsque Sylvia, sa mère une fois consolée, se tourna vers Hester pour la remercier, lorsqu’elle lui fit entendre le chaleureux langage de la reconnaissance la plus vive, ses paroles, bien simples