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de la mieux recevoir, elle s’était évanouie de terreur le jour du soulèvement contre la press-gang, et dans ce même salon lui avait été révélé pour la première fois le péril imminent où se trouvait son père à la veille de partir pour les assises d’York. Aussi lorsque Philip lui parlait de ses arrangements intérieurs, tout au plus pouvait-elle l’écouter avec patience et comprimer les soupirs de son cœur ému.

La ferme de Haytersbank devait être livrée, le jour même du mariage, à son nouveau possesseur. Ce jour-là, par conséquent, Bell Robson viendrait pour la première fois s’installer à Monkshaven et, dans l’état de faiblesse mentale où elle était peu à peu tombée, il fallait ne pas la laisser seule au moment d’une transition pareille. D’un autre côté Philip avait rêvé, pour cette journée unique, de faire en voiture une excursion à la « baie de Robin Hood, » partie de plaisir toujours chère aux bourgeois de Monkshaven. Mais il connaissait assez sa future pour être certain qu’elle ne consentirait jamais à quitter sa mère, si quelqu’un ne la remplaçait auprès de la pauvre infirme. Il s’agissait d’une véritable œuvre de charité : ce fut naturellement à Hester qu’il songea d’abord.

Pour la préparer à sa requête, il imagina de la consulter sur les embellissements qui l’occupaient depuis quelques semaines ; et, tout entier à son bonheur, il ne s’aperçut pas du frisson avec lequel la jeune Méthodiste accueillit ses premières ouvertures à ce sujet :

« Si cela te fait plaisir, Philip, j’irai sans doute, lui répondit-elle, mais tu pourrais mieux t’adresser en fait de modes et d’ajustements nouveaux.

— Je sais par une longue expérience, lui répondit-il, que personne mieux que toi ne s’entend à la bonne ordonnance d’un ménage. Nulle part je n’ai vécu plus heureux que sous le toit de ta mère ; viens donc, ne me