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leurs brillantes aux dernières lueurs du soleil prêt à disparaître :

« De mardi en quinze, ma bien-aimée, comme un costume pareil t’ira bien ! » lui disait-il à voix basse. Depuis quelque temps il aimait à lui parler ainsi, sur le ton des confidences intimes. Elle ne lui répondait jamais qu’à voix haute.

« De mardi en quinze ?… C’est du quatre que tu veux parler ?… Mais je ne porterai pas cette étoffe… Je serai vêtue de noir.

— Pas ce jour-là, bien certainement, s’écria Philip. Et pourquoi donc, je te prie ?

— Peut-il donc arriver quelque chose qui me fasse oublier mon père ?… Ma vie en dépendît-elle, Philip, je ne quitterais pas le deuil… Cette étoffe est charmante, j’en conviens ; beaucoup trop belle pour une personne de ma condition : je l’accepte donc avec reconnaissance, et ce sera la première robe que je me ferai faire dans deux ans, à compter d’avril dernier… Présentement, je garde le deuil… »

Et comme Philip insistait tristement :

« Non, mon ami, reprit-elle, c’est tout à fait impossible… Puisque tu y tiens à ce point, j’en éprouve un véritable regret, car je sais tout ce que nous te devons ma mère et moi… Je le sais, crois-le bien, et je ne suis pas ingrate,… bien que parfois tu sembles le penser.

— Ce n’est pas ta reconnaissance qu’il me faut, Sylvia, » dit le pauvre Philip, mécontent au fond, mais qui n’aurait pu expliquer, tout pénétré qu’il en était, ce qui manquait à sa joie.

Aux approches du jour des noces, Sylvia ne se préoccupa que de sa mère. Philip voulait en vain l’intéresser aux soins qu’il se donnait pour lui rendre agréable la vieille maison de Monkshaven. Cette maison n’avait pour elle que de désastreux souvenirs. Dans le salon décoré afin