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ses instincts permanents, ceux qui finissaient toujours par prévaloir à la longue ; de son père, en revanche, les premières impulsions, violentes et passagères, qui l’emportaient tout d’abord. Le matin venu, elle ne se disait précisément pas qu’elle irait porter à Simpson des paroles de pardon ; mais si Philip était revenu à la charge, peut-être eût-il fini par l’obtenir d’elle.

Il se contenta de lui apprendre, en passant, la mort de Simpson, et ne sut jamais rien, par conséquent, des clémentes inspirations qui s’étaient fait jour en elle. Les dures paroles dont elle avait usé lui restèrent seules dans la mémoire, et elles s’y retrouvèrent seules, malheureusement, dans un moment décisif pour elle et pour lui.

En général, Sylvia se montrait assez douce et assez bonne ; mais Philip l’eût voulue timide et tendre, ce qu’elle ne fut jamais à son égard. Ses jolis yeux, lorsqu’elle lui adressait la parole, n’exprimaient qu’une paisible indifférence ; elle le consultait en tout et pour tout, comme le meilleur ami de sa famille, et acceptait docilement ses avis sur les arrangements relatifs à leur mariage qui, pour elle, était surtout le signal de leur départ de Haytersbank. Aussi Philip commençait-il à s’apercevoir que ce fruit, si longtemps poursuivi par ses lèvres altérées, était en quelque sorte comme ceux des vergers de Sodome, « rempli de cendres au dedans. »

Il avait une colombe favorite dont il aimait particulièrement le plumage aux nuances tendres et rosées. Par une vraie fantaisie d’amoureux, il se figura retrouver ces nuances dans une des pièces de soie qu’il avait à vendre, et nulle étoffe ne lui parut convenir mieux à sa jeune fiancée pour le jour où il la conduirait à l’autel. Il en leva donc de quoi faire une robe, et lui porta ce charmant tissu dont il fit miroiter sous ses yeux les cou-