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sentirais-tu capable de te réconcilier avec lui, de lui porter de bonnes paroles ?… Te sens-tu dans les veines assez de lait, assez d’eau, que dis-je, assez de boue pour te conduire ainsi ?

— Pourtant, Sylvia, vous demandez à Dieu « de vous pardonner vos offenses comme vous pardonnez à ceux qui vous ont offensée. »

— C’est vrai : mais si l’on doit ainsi me prendre au mot, je ne prierai plus, et tout sera dit. C’est pour ceux qui n’ont presque rien à pardonner qu’il est bon d’employer une pareille formule… Et je trouve fort mal à vous, Philip, de tourner ainsi contre moi les saintes Écritures… Allez où vos affaires vous appellent !…

— Tu m’en veux, Sylvia ?… Et cependant je sais ce qu’un tel pardon doit te coûter… Mais tu ne résisterais pas, j’en suis sûr, aux regards suppliants de ce pauvre diable.

— Je te répète que le pardon et l’oubli ne sont pas dans ma nature… J’aime ceux que j’aime, je hais ceux que je hais… Je serais un monstre à montrer en foire si je pardonnais à l’homme qui a fait périr mon père… Et maintenant, laissez-moi !… Il ne faudra pas moins qu’une nuit entière pour me rendre à votre égard des dispositions plus favorables… Votre vue, en ce moment, m’agace et m’irrite. »

Philip comprit qu’il serait prudent de la prendre au mot. Il retourna donc seul près de Simpson qu’il trouva, quoique vivant encore, incapable de profiter d’un pardon quelconque. Et alors il se repentit presque d’avoir obéi à sa conscience en importunant inutilement Sylvia au sujet de l’infortuné moribond.

Jamais, cependant, il n’est inutile de faire son devoir. Sylvia, laissée à elle-même et réfléchissant à son refus pendant une grande partie de la nuit suivante, sentit son cœur s’amollir peu à peu. Elle tenait en effet de sa mère