Page:Gaskell - Les Amoureux de Sylvia.djvu/253

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

puis, se relevant tout à coup, il soupira et suivit sa cousine dans la maison.

Parfois, sans s’y attendre, il rencontrait chez elle des résistances qu’il ne pouvait s’expliquer ; mais, en général, elle déférait à ses conseils avec une douceur qui semblait attester l’insouciance la plus absolue. Parfois aussi elle lui obéissait comme à son mari futur, en vertu des droits qu’il avait sur elle. Rien ne pouvait le désobliger autant que cette docilité méritoire. Ce qu’il lui fallait, c’était la Sylvia d’autrefois, volontaire et capricieuse, hautaine et gaie, inconséquente et charmante. Celle-là, par malheur, avait à jamais disparu !

Il s’aperçut un soir que, sur certains points, il serait inutile de vouloir fléchir cette volonté ordinairement si peu rebelle. Dick Simpson, l’ex-domestique de Hobbs, se mourait à Monkshaven, sans que personne à la ferme eût connaissance de sa misérable agonie. Aux premiers mots qu’en toucha Philip, le visage de Sylvia devint tout à coup radieux.

« Il se meurt, dis-tu ? s’écria-t-elle. Bon débarras pour ce monde !

— Ce langage est bien rigoureux, reprit Philip ; il ne m’encourage guère à réclamer une faveur que j’espérais obtenir de toi.

— S’il s’agit de Simpson,… répliqua-t-elle ; mais, elle s’interrompit aussitôt : Achevez, achevez, disait-elle, j’ai eu tort de vous couper la parole.

— Il te ferait pitié, ma Sylvie !… Depuis son retour d’York, depuis cette journée où les gens de Monkshaven l’ont si rudement maltraité, il n’a jamais pu se rétablir… Sa tête par moments s’égare… Il se figure qu’on le poursuit, qu’on le siffle, qu’on lui jette des pierres…

— Tant mieux, dit Sylvia, tu ne pouvais rien m’apprendre qui me fît autant de plaisir. C’est la juste punition de sa conduite envers mon père.